LE MASQUE FLOU EN IMAGERIE NUMERIQUE (4/4)

David ROMEUF - 1993 - romeuf@ocar01.obs-azur.fr

Article paru dans les numéros 711 et 712 de Novembre-Décembre 95 & Janvier-Février 1996 de la revue PULSAR - SAP

SOMMAIRE

I - L'image en informatique
1 - Image BITMAP ou point par point
2 - Image vectorielle

II - But du masque flou

1 - D'abord en astrophotographie argentique !
2 - Et maintenant en imagerie numérique

III - Principe général du masque flou en imagerie numérique

IV - Rendre flou

1 - La courbe gaussienne
2 - Le produit de convolution

V - Règles du traitement

VI - Réglage du traitement

1 - Action du traitement sur des détails de différents profils photométriques élémentaires
2 - Pourquoi y-a-t-il création d'artefacts ?

VII - Une méthode de traitement des détails

VIII - La réduction des artefacts

IX - La réduction du bruit

X - Conclusion


VII - UNE METHODE DE TRAITEMENT DES DETAILS

On a vu au cours de cet article comment agit le masque flou sur les détails d'une image. Une image planétaire par exemple contient une multitude de détails de dimensions très variables mais tout de même assez proches.

Alors pourquoi se limiterait-on à un seul masque de détails ? L'idéal serait d'ajouter plusieurs masques de détails d'échelles variables, afin d'en obtenir un beaucoup plus complet. Par exemple pour la planète Jupiter, on pourrait ajouter un masque de détail à l'échelle des bandes équatoriales et un autre à l'échelle des détails à l'intérieur de celle-ci. On pousse alors le contraste de la bande et de ses détails par rapport au reste de l'image. La formule non exhaustive en somme de masque de diverses échelles est :

Masque des détails = B . MasqueGrands détails + C . MasqueMoyens détails

où :
MasqueGrands détails est le masque de grands, moyens et petits détails. Il ne contient donc pas de très grands détails.
MasqueMoyens détails est le masque de moyens et petits détails. Il ne contient donc pas de grands et de très grands détails.
B est un facteur constant qui détermine l'influence du masque des petits, moyens et grands détails.
C est un facteur constant qui détermine l'influence du masque des petits et moyens détails. Ce masque ne rajoute donc pas les détails d'échelle supérieure.

Le savant dosage de B et C ainsi que la détermination de la dimension en pixels des matrices convoluantes et de leur écart type permettra d'obtenir un masque des détails beaucoup plus riche.


Illustration 8 : Laquelle des quatre images de la bande verticale ci-dessus préférez-vous ? Sans doute la quatrième en bas de page... Et oui, la première est une image brute obtenue par l'équipe du T1M du Pic du Midi S2P (F.COLAS, P.LAQUES, J.LECACHEUX). La seconde est cette même image traitée par un masque flou avec une matrice de 9 pixels et 5 sigma. Le contraste des fins détails est augmenté mais les bandes équatoriales restent peu contrastées. L'image suivante est traitée avec une matrice de 17 pixels et un sigma de 9. Ici le contraste des bandes équatoriales et des plus fins détails est augmenté mais il manque un petit quelque chose... On dirait que l'image est à la limite du flou ! Elle manque de fins détails. On a fourni ces fins détails à la quatrième image. Il s'agit en fait de la somme proportionnée des deux masques utilisés précédemment aux échelles 9 et 17 pixels. En réalité cette quatrième image est la somme de 1,7 fois l'image brute + 11 masques des détails à l'échelle 9 pixels + 5 masques des détails à l'échelle 17 pixels. Images traitées automatiquement par le logiciel TRIM de l'auteur.

L'image traitée par ce masque complet s'obtient par :

Image détails = A.Image initiale + Masque des détails


A est un facteur constant qui détermine la présence de l'image prétraitée, donc l'influence du masque des détails.


VIII - LA REDUCTION DES ARTEFACTS

On a vu au cours des lignes de cet article que le masque flou génère des artefacts et effets de bord. On peut ménager l'ardeur de ce masque en postulant que chaque détail amplifié de l'image traitée soit de forme similaire au détail correspondant de l'image prétraitée initiale. Il faut considérer ici une échelle de détail variant à un facteur constant prés. Facile à dire, mais plus difficile à réaliser ! Toutefois on peut réduire les artefacts en soustrayant à l'image traitée une certaine quantité du rapport entre l'image prétraitée initiale et cette même convoluée. Soit le rapport entre l'image initiale prétraitée et son masque flou.

Le traitement devient donc :

It = A.Ii + B.Masque des détails - C.( (Ii / Masque flou) - 1 )

où :
It est l'image traitée ;
Ii est l'image initiale prétraitée ;
A est un facteur constant qui détermine la présence de l'image initiale ;
B est un facteur constant qui détermine la présence du masque des détails. Sa valeur est généralement comprise entre 1 et 15 ;
C est un facteur constant qui détermine la présence du masque "anti-artefacts". C'est une constante qui peut prendre de forte valeur typiquement supérieure à 50 voire 100.

Il est bien évident que par cette méthode on ne réduit pas que les artefacts. Cette méthode ne constitue donc pas un miracle mais c'est une première approche simple. Une approche plus complexe serait de définir un masque flou par des équations paramétriques adaptées ou de l'algorithmique poussée. Peut être pourrait on inventer un nouveaux label de qualité : "Garantie sans artefacts !".


Illustration 9 : La réduction des artefacts : La première image en haut à gauche, est une image brute prétraitée de Jupiter obtenue par l'équipe du Télescope de 1 mètre du Pic du Midi S2P (F.COLAS, P.LAQUES, J.LECACHEUX). La seconde est un masque de détails de celle-ci à l'échelle 13 pixels et 6 sigma. La troisième est le rapport entre l'image brute prétraitée et le masque flou utilisé pour calculer le masque des détails. Dans cette dernière, il apparaît en très noir ou très blanc les zones qui n'ont pas évolué dans les mêmes proportions et le même sens entre l'image brute et le masque flou. Bref, les détails ou zones qui n'ont plus vraiment la même forme ! On peut noter entre autres que le limbe de la planète répond à cette dernière remarque. Les trois images immédiatement en dessous correspondent de gauche à droite à l'image brute traitée (image brute prétraitée + masque des détails) à laquelle on a ajouté le "masque des artefacts", l'image brute traitée (image brute prétraitée + masque des détails), puis cette dernière à laquelle on a retranché le "masque des artefacts". On constatera que la transition entre le fond de ciel et le bord du limbe planétaire est beaucoup plus douce. Ceci respecte le phénomène bien connu de l'assombrissement centre-bord complètement perdu auparavant par l'artefact dus au traitement par masque flou. Images traitées automatiquement par le logiciel TRIM de l'auteur.


IX - LA REDUCTION DU BRUIT

On peut définir le bruit comme une fluctuation aléatoire en niveau de quantification s'ajoutant ou se soustrayant à la valeur des pixels d'une image. Sur une coupe photométrique, une bonne représentation est celle d'une succession de pics et de puits de différentes amplitudes, et dont la dimension se résume à un pixel. En terme de fréquence spatiale, le bruit est une modulation à très haute fréquence de l'image. Le bruit peut être très désagréable à la vision ou l'analyse scientifique d'une image. Il faut donc l'atténuer voire le supprimer. L'idée qui vient de suite est donc d'obtenir grâce au masque flou un masque du bruit, véritable carte du bruit dans l'image. En soustrayant cette carte du bruit à l'image bruitée, on a de fortes chances de l'atténuer.

La dimension d'un bruit isolé sur l'image est de un pixel, on utilisera donc la plus petite matrice disponible, une 3x3. On pourrait prendre une plus grande matrice, mais on n'a pas trop intérêt à tenir compte des pixels non immédiatement voisin de celui que l'on veut traiter. C'est donc l'écart-type de la gaussienne qui jouera le plus grand r?le. On utilisera un écart type sigma compris entre 0,3 et 1,5 (le plus souvent 0,5 suffit). L'idéal est l'obtention d'une carte du bruit sans trop de fins détails de l'image. On l'obtiendra en essayant plusieurs valeurs de .

L'atténuation du bruit d'une image peut être conduit par cette méthode simple du masque flou, décrite par la formule :

Imagedé-bruitée = Imagebruitée - A.(Imagebruitée - Imagebruitée peu flou, 0,3 < sigma < 1,5)
= Imagebruitée - A.Masque du bruit

où A est l'efficacité du masque de bruit.


Illustration 10 : Réduction du bruit d'une image par masque flou : L'image du haut est une image brute de la Lune que l'on a massacrée, pour les besoins d'illustrations, en faisant ressortir le bruit par l'enchaînement de plusieurs filtres passe haut très actif. Nous allons montrer qu'il est possible de réduire le bruit même aussi poussée grâce à un traitement par masque flou. Pour réduire le bruit dans l'image il faut obtenir le masque du bruit. Ce masque du bruit est obtenu grâce à la convolution d'une matrice de 3 pixels et d'un écart type de 0,6. C'est la deuxième image. La troisième image est la première à laquelle on a retranché le masque du bruit. L'effet est assez spectaculaire ! Notez par exemple la disparition des pixels chauds dans la zone du ciel. Comme quoi rien n'est perdu avec ce genre de recette de cuisine... La suppression du bruit par cette méthode est souvent meilleure qu'un filtrage passe bas classique qui "dilue" le bruit dans l'image mais aussi les détails. Par cette méthode, on conserve le contraste des plus fins détails. Image obtenue avec une caméra CCD "artisanale" à base de Kodak KAF-400 au foyer d'un Télescope de 400 mm (Image, Caméra, Logiciel TRIM et Télescope par D.ROMEUF, M.GOUTTESOLARD, F.GUILLOMONT).


X - CONCLUSION

Les méthodes décrites au cours de cet article peuvent conduire à de nombreuses opérations fastidieuses sur les images, surtout si on utilise plusieurs échelles de masques. Pour cette raison, l'auteur a automatisé toute la procédure dans son petit programme de traitement d'images TRIM (les fonctions MF et MFAA pour masque flou multi-échelles et masque flou avec anti-artefacts n'ont besoin que des principaux paramètres). Nous encouragerons donc les lecteurs à faire de même, car souvent, les constantes de l'image finale pour chaque échelle seront obtenues après plusieurs tâtonnements. De plus, au cours de cet article nous avons particulièrement insisté sur les aspects désagréables du masque flou. Il est bien évident que celui-ci reste un traitement tout à fait adapté à la situation astronomique. Il ne faut donc pas faire une fixation sur ces défauts, mais plut?t en être bien conscient... Il est aussi un moyen simple d'utilisation d'un traitement par ondelette. C'est l'ondelette du pauvre !


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Page maintenue par David ROMEUF