COMPLEMENTS SUR LA MISE EN STATION D'UNE MONTURE EQUATORIALE (2/3)

La méthode photographique de King

Luc DETTWILLER - Michel GOUTTESOLARD - Alain MAURY - David ROMEUF - 1992

Article paru en trois volets dans les numeros 695 (Mars-Avril 1993), 696 et 697 de la revue PULSAR de la SAP

SOMMAIRE

A - Influence de la réfraction atmosphèrique
I - Importance de la mise en station

II - Analyse de la trajectoire diurne d'un astre

1 - La réfraction atmosphèrique
2 - Trajectoire réfractée d'un astre
3 - Ajustement sur le pôle réfractée d'un champ de déclinaison donnée

III - Conclusion du premier volet

B - La méthode photographique de KING
Exemple de mise en station : Télescope de Schmidt de l'OCA

C - Variante visuelle à la méthode de KING

1 - Connaître l'action des vis calantes
2 - Contrôle de la vitesse d'entraînement
3 - Centrage dans l'oculaire réticulé de n'importe quelle étoile du champ polaire et attente de la dérive éventuelle
Figure 6 : Une carte du pôle boréal

D - Conclusion générale et synthèse


B - La méthode photographique de KING

Mise à part la visée polaire, la seule méthode répondant aux exigences de la conclusion précédente est à notre connaissance la méthode photographique publiée par l'astronome américain Edward Skinner KING en 1931 dans son ouvrage "A NANUAL OF CELESTIAL PHOTOGRAPHY". Elle utilise uniquement le champ polaire qui subit toujours une réfraction d'environ 1' à nos latitudes; donc cette méthode rend l'axe de rotation de la monture parallèle à la direction apparente (réfractée) du pôle céleste.



Photographie n°1 - Exemple de cliché obtenu pour un défaut de mise en station de 10 minutes d'arc, avec un temps de pose de 20 minutes dans les deux cas. Le pôle instrumental est ici trop haut et trop à l'Est, il faudra donc pousser l'extrémité Nord de la monture vers l'Ouest et vers l'horizon d'environ 7' (Cliché sur TP2415 de Michel GOUTTESOLARD et David ROMEUF, télescope de 400 mm ouvert à 3.5). Appliquons à ce cliché le calcul de défaut de mise en station. On constate que les traits sont sensiblement parallèles et donc que le moteur entraîne bien à la bonne vitesse. L'écart entre les étoiles 10 et 18 est de 1.0617° dans le ciel et de 181 mm sur le papier. Le trait de translation du champ mesure 2.5 mm donc il represente angulairement X=1.0617*2.5/181=1.47e-02=53". Le temps de translation (temps de pose avec l'entraînement) est de 1200 secondes. La vitesse angulaire de la Terre est Wt=7.2921159e-05 rad/s. Le défaut de mise en station est donc de AB=X/(Wt.t)=0.168°=10'. Les traits de translation ayant un angle de 45° par rapport à l'horizon, on peut en déduire que les corrections devront être d'environ 7' en azimut (vers l'Ouest) et hauteur (vers l'horizon).

Nous vous proposons donc, avant de l'expliquer, une traduction quasi mot à mot des lignes de cet ouvrage :

"Mettre une plaque dans l'instrument et utiliser le taux sidéral. Prendre une carte du pôle. Mettre l'angle horaire à 0 heure avec le télescope sur la face Est de la monture. Après exposition d'environ 10 minutes, stopper l'entraînement pour permettre à l'image des étoiles de voyager sur la plaque de par le mouvement diurne. Arrêter l'exposition après qu'elles aient voyagé durant 5 à 10 minutes. Un défaut dans l'ajustement de l'axe causera un déplacement de l'image des étoiles sur la plaque même quand l'entraînement horaire est en parfaite action.

Les traits diurnes supplémentaires indiquent la direction dans laquelle les traits horaires ont bougé... Les traits horaires sont parallèles entre eux; les traits diurnes sont sur un cercle dont le centre est le pôle céleste.

Si la plaque est examinée avec la face de verre devant les yeux et tenue comme exposée dans l'instrument avec la relation à l'horizon les règles suivantes basées sur la direction des traits horaires sont :

Ces états sont illustrés dans la figure 12 qui montre graphiquement la relation à l'axe du pôle.

En résumé des règles : Si la plaque est tenue et examinée comme décrit ci-dessus et qu'elle est tournée dans le sens des traits diurnes d'un quart de révolution, la direction des traits horaires indiquera le mouvement de l'extrémité nord de la monture nécessaire pour corriger l'erreur.

Si les traits sont en diagonale l'ajustement est requis en altitude et azimut ... la photographie finale montrera des images d'étoiles bien rondes avec un trait diurne attaché à chaque étoile ... ."

A cette description assez floue, il faut tout de suite ajouter que les règles d'orientation décrites par KING dépendent évidement de l'instrument utilisé (Réfracteur, Schmidt, Newton ou encore Cassegrain coudé).

Nous allons maintenant vous montrer qu'elles dépendent uniquement de la direction du zénith si on la prend comme référence.

En fait lorsque l'on prend une photographie, les traces des étoiles sont la résultante de rotations de même vitesse angulaire autour de deux centres (pôle céleste réfracté et pôle instrumental) qui ne sont pas confondus lorsque l'instrument n'est pas en station.

A l'échelle des champs photographiques usuels on peut simplifier le problème et le simuler sur un plan grâce à deux disques de papier calque. Sur l'un, on aura dessiné des étoiles, sur l'autre un rectangle (ou autre) représentant le négatif. Les centres de ces disques auront une signification physique, respectivement le pôle céleste (réfracté car les étoiles du champ subissent une réfraction) et le pôle instrumental. Les étoiles tourneront autour du pôle céleste, le négatif tournera quant à lui autour du pôle instrumental. Les deux rotations auront la même vitesse angulaire. Rendez fixes les deux centres (punaises) en les espaçant assez afin de simuler un gros défaut de mise en station. En plaçant la maquette devant vous horizontalement, tracez les cardinaux comme un observateur les verrait quand il regarde le pôle céleste à l'oeil nu (Ouest à gauche, Est à droite, direction du zénith vous fuyant, direction de l'horizon venant vers vous). Repérez et tracez la position des étoiles sur le négatif par transparence. Faites tourner dans la même sens les deux disques à la même vitesse durant un laps de temps (donc d'un petit angle qui correspond au temps de pose) et tracez dans le même temps la trajectoire de l'étoile (trace 1) sur le disque de papier calque supportant le négatif. Cette première étape est identique à celle de E.S.KING quand le moteur entraîne l'axe de la monture à la vitesse sidérale. Pour la seconde, il suffit de faire tourner uniquement le disque contenant les étoiles et de tracer leur trajectoire sur le disque du négatif (trace 2).

En traçant la trajectoire de plusieurs étoiles (les choisir partout autour du pôle) vous vous rendrez compte que les traces 1 sont des petits tirets de même dimension, parallèles entre eux et de même direction (mouvement de translation du champ d'étoiles), mais pour un tour complet les trajectoires de toutes les étoiles - ainsi que celle du pôle céleste évidement - sur le négatif sont des cercles dont le rayon est la distance entre les deux pôles (la translation du champ d'étoiles est circulaire); alors que les traces 2 sont des arcs de cercles (mouvement de rotation du champ d'étoiles autour du pôle céleste réfracté).

Si vous simulez la méthode pour divers défauts de mise en station alors apparaîtra le plus important : la direction des traces 1 change avec le défaut. Leur dimension est fonction du temps de pose et du défaut.

Vous pourrez énoncer les règles suivantes pour l'analyse d'une photographie bien orientée (comme dans le ciel au début de la pose pour un observateur) :

Ces deux dernières règles permettent aussi aisément de les situer.

Pour ceux que frustre l'empirisme, Luc DETTWILLER a calculé une cinématique de la méthode (ci-dessous). Il permettra de calculer le défaut de mise en station en mesurant la longueur des traits de translation du champ (traces 1) lors de la pose 1. On pourra aussi caler son variateur de fréquence sur la bonne vitesse par une simple constatation ou un calcul.

(Les notations en caractères gras sont des vecteurs)

A l'échelle d'un cliché on suppose le ciel plan ce qui constitue une approximation. Soit (R) le référentiel terrestre; A le pôle céleste fixe dans (R): Pc; B le pôle instrumental, fixe dans (R): Pi.
(Ra) un référentiel animé par rapport à (R) d'une rotation autour de Az à la vitesse angulaire Wa, donc avec le vecteur rotation Wa=Wa.uz (uz étant le vecteur unitaire perpendiculaire au plan de la figure et tourné vers vous); Wa est la vitesse angulaire de la Terre autour de son axe; (Rb) de même tourne autour de Bz avec le vecteur rotation Wb=Wb.uz par rapport à (R); Wb est la vitesse angulaire de l'axe horaire de la monture.
Les images des étoiles sont fixes dans (Ra); le négatif photographique est lié au référentiel (Rb). Pour étudier le mouvement de l'image M d'une étoile sur le négatif, calculons la vitesse de M dans (Rb) :

Vm(Ra) = Vm(Rb) + ( OMEGA(Rb)/(Ra) vectoriel BM + Vb(Ra) )
0 = Vm(Rb) + [ (Wb-Wa vectoriel BM + Vb(R) + OMEGA(R)/(Ra) vectoriel AB ]
Vm(Rb) = (Wa-Wb).uz vectoriel BM + Wa.uz vectoriel AB

* Si Wa = Wb : La monture a la même vitesse angulaire que la Terre. Le mouvement des images M des étoiles dans (Rb) est une translation circulaire car Vm(Rb) est indépendant de M et le pôle céleste A décrit - ainsi donc que les autres étoiles - dans (Rb) un cercle de rayon AB :
Vm(Rb) = Wa.uz vectoriel AB

* Si Wa est différent de Wb : La monture ne tourne pas à la même vitesse que le ciel. Il s'agit d'un mouvement de rotation plan sur plan. Cherchons le centre instantané de rotation I. I est le point (centre de la rotation du champ) dans le plan xOy tel que :

Vm(Rb) = (Wa-Wb).uz vectoriel IM, quel que soit M
(Wa-Wb).uz vectoriel (BI+IM) + Wa.uz vectoriel AB = (Wa-Wb).uz vectoriel IM
(Wa-Wb).uz vectoriel BI = -Wa.uz vectoriel AB, où BI est orthogonal à uz
BI = [Wa/(Wa-Wb)].BA

Dans la pratique on utilisera AB = (Wa-Wb) / [Wa-(Wa-Wb)] IA

Si l'intrument tourne moins vite que la Terre alors les traces sembleront tourner dans le même sens que le mouvement diurne. Si au contraire l'instrument tourne plus vite que le ciel alors les traces résultantes sembleront tourner dans le sens inverse de la rotation diurne. On parle ici de la vitesse apparente de l'ensemble des étoiles sur le négatif à un instant donné; mais la trajectoire d'une étoile donnée n'est pas un cercle de centre I sur le négatif, puisque sur celui-ci I n'est pas fixe !

Calcul du défaut de mise en station :

On raisonne directement dans le plan focal de l'instrument et donc dans le plan du négatif photographique.

1) Si les traits semblent tous parallèles alors la vitesse de poursuite est trés proche de (voire égale à) celle de la Terre (à la précision fournie par la méthode). Soit Mi la position de l'image d'une étoile en début de pose; Mf la position de l'image de cette étoile en fin de pose avec l'entraînement, la durée de la pose étant courte à l'échelle d'un jour; MiMf la longueur d'un trait rapporté à l'échelle du cliché en degrés; t le temps de pose du cliché avec l'entraînement en secondes; W la vitesse angulaire sidérale en rad/s. On a :

V = MiMf / t = W.AB d'où AB = MiMf / (W.t)

AB est le défaut de mise en station en degrés; sa direction est perpendiculaire à MiMf et son sens se déduit par les règles exposées dans ce volet. Il est bon de réaliser que la direction de AB tourne sur le négatif (et que si la pose durait deux heures on verrait que la trace MiMf de l'étoile est en réalité un arc de cercle de 30°) sans que cela change la formule ci-dessus.

2) Si les traits semblent partir dans des directions différentes en tournant autour du centre I dont on estimera la position, le défaut de vitesse d'entraînement est sensible et se calcule en radians par seconde avec :

|Wa-Wb| = MiMf / (IMi.t)

En plus le défaut de mise en station est donnée par :

AB = BI.|Wa-Wb| / Wa = BI.MiMf / (IMi.Wa.t)



Photographie n°2 - Exemple de cliché obtenu pour un défaut de mise en station de 6' et avec une vitesse d'entraînement de la monture différente de 20% de celle de la Terre. Les traits ou plutôt arcs de cercle partent dans toutes les directions mais tournent dans le sens de la rotation diurne autour d'un centre I; signe que la monture ne tournait pas assez vite. On corrigera le variateur de fréquence et la direction de l'axe de rotation de la monture en conséquence. Cliché sur TMAX 400 par Michel GOUTTESOLARD et David ROMEUF, télescope de 200 mm ouvert à 10.
On constate que les traits composées de la rotation de la Terre et de l'instrument ne sont pas parallèles. Ils semblent tourner autour d'un centre I que l'on trace. La longueur d'un arc de cercle (trace de l'étoile avec l'entraînement pendant une durée courte à l'échelle d'un jour) pour une étoile prise le plus loin possible de I est de 3.5 mm. Sa distance à I est de 256 mm. Le défaut d'entraînement sera donc de |Wa-Wb| = 3.5/(256*900) = 1.52e-05 rad/s = 8.7e-04 °/s = 3.1 "/s soit 21% de la vitesse sidérale. Les traces semblant tourner dans le sens de la rotation diurne on peut dire que l'instrument tournait moins vite de 3.1 "/s par rapport à la vitesse sidérale soit Ws = 15.0-3.1 = 11.9 "/s puisque Wa = Wt = 15.0411 "/s.
Le pôle céleste (A) se repère aisément sur le cliché en se basant sur les traces de la rotation diurne. La distance entre le pôle céleste A (Pc) et le point I est de 88 mm sur le papier. On utilisera la relation AB = (Wa-Wb) / (Wa-(Wa-Wb)).IA = 3.1 / (15.0-3.1) * 88 = 23 mm. Entre les étoiles n°8 et 14 il y a 0.5962° dans le ciel; elles sont distantes de 149 mm sur le papier. Le défaut de mise en station est donc de AB = 0.5962*23 / 149.0 = 9.26e-2 ° = 5.6 '.
On corrigera la vitesse d'entraînement puis on déplacera l'extrémité Nord de la monture de 5' vers l'Ouest. Si la déterminaison de I paraissait trop imprécise car il est trop éloigné du pôle, c'est que le défaut d'entraînement est trop faible, et il sera préférable de calculer AB par la formule de la photo n°1.

EXEMPLE D'UNE MISE EN STATION : TELESCOPE DE SCHMIDT DE CALERN

Série de quatres clichés obtenus par C.Pollas, D.Albanènese et A.Maury lors d'une mise en station du grand télescope de Schmidt de Calern. Ces clichés; sont des copies d'une partie d'une plaque de 30 par 30 cm centrée sur le pôle céleste réfracté. Ils illustrent la méthode photographique de King.


Cliché 1 - Ce cliché a été obtenu, sans guidage, en posant 20 minutes avec l'entraînement du télescope en action (petites traces verticales de bas en haut); puis 20 autres minutes sans entrainement (grande traces à 135°). Le défaut de mise en station est alors de 3 minutes d'arc.


Cliché 2, 3 et 4 - Ils sont obtenus en posant une heure en moyenne, sans guidage et avec entrainement horaire. Succède à cette première pose, une autre pose d'environ 5 minutes sans entraînement. On remarque que la dimension des traces de la première phase diminue de plus en plus, signe que le défaut de station se corrige. Le troisième cliché est presque bon, le pôle instrumental n'est plus qu'à 15" du quatrième. Le quatrième cliché est celui qu'il faut obtenir après une heure de pose, sans aucun guidage. L'axe de la monture est alors dans la direction du pôle céleste réfracté du lieu d'observation.


Les radins crient déjà au gaspillage de film ! Les fainéants se plaignent, car la méthode est lourde : prise du cliché, développement, orientation correcte de la photo (calcul du temps sidéral local pour repérer le méridien si l'on n'a pas pris soin de le rendre parallèle à un côté du négatif), interprétation du défaut et ce pour plusieurs essais.

Tout cela conduit à la réflexion logique suivante : si un défaut est visible sur la plaque photographique alors il sera sans doute impardonnable avec un oculaire réticulé donnant un grossissement de 200 x ou plus !

Nous vous proposons donc dans les lignes suivantes un protocole de variante visuelle à la méthode photographique de KING.


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Page maintenue par David ROMEUF